Carthage / Les Estivales 4 juil 08
Nous l’avons compris, Jean-Paul Alduy bat campagne et profite de la torpeur de l’été pour expédier le package PPP Théâtre de l’Archipel.
Le conseil municipal est en effet appelé à voter, le 10 juillet prochain, le contrat de Partenariat Public Privé* (PPP) entre la Ville et le groupement conjoint François FONDEVILLE (mandataire), AGIR / ELYO SUEZ ENERGIE SERVICES / AUXIFIP pour la réalisation du projet du Théâtre de l’Archipel.
> Pourquoi un PPP ?
Le choix de ce contrat, dicté par la situation désastreuse des finances publiques de la ville de Perpignan (au 31/12/2007 la dette par habitant est de 2041 euros/habitant, soit le double de la moyenne strate de 1083 euros/habitant), illustre parfaitement les débats récents relatifs au projet de loi sur l’extension des PPP, voté en catimini par l’Assemblée Nationale le 25 juin dernier.
Créé par l'ordonnance du 17 juin 2004, sous l'impulsion du libéral Alain Madelin, le PPP est un contrat dérogatoire aux modes classiques de la commande publique, liant, après évaluation préalable, une collectivité publique à un opérateur privé et déléguant à cet opérateur le financement, la conception, la réalisation et l’exploitation d’un équipement public. En contrepartie un "loyer" est versé à l’opérateur sur une durée de 20 ans en moyenne (pour l’Archipel, 32 ans !).
Autrement dit, le PPP est un bon moyen de faire sortir des comptes publics le coût des projets, bref de "faire de la dépense sans faire de la dépense" et de "faire de la dette sans faire de la dette publique". C’est ce qu’on appelle la “fuite budgétaire” ou la dette déguisée.
On s’en remet donc aux générations futures pour financer un équipement dont on souhaite avoir l’usage rapidement.
> La prégnance idéologique du PPP
C’est dans le but officiel de relancer la croissance grâce à de grands travaux d’infrastructures, que la majorité de Sarkozy a adopté le projet de loi «relatif aux contrats de partenariat».
Désormais invoqués pour répondre aux besoins d’investissement «sans dépenser d’argent public», les PPP ne sont pas, contrairement à ce que l’on veut nous vendre, une solution magique de financement des infrastructures municipales. Personne ne peut contester que les collectivités territoriales empruntent à un taux toujours meilleur que celui qu’obtiendrait la plus solide entreprise privée. Comme l’a déclaré le 6 février dernier Philippe Seguin, premier président de la Cour des Comptes, s’agissant de procédures initiées par l’Etat, le résultat de ces «innovations», qui ne visent en fait, le plus souvent, qu’à faire face à l’insuffisance de crédits immédiatement disponibles, se traduit par des surcoûts très importants pour l’État qui aura fait preuve, en l’espèce, d’une «myopie coûteuse».
Il s’agit en fait d’ouvrir de nouvelles occasions d’affaires aux investisseurs et promoteurs. Plus encore, les PPP permettent aux fonds de pensions d’investir dans des opérations stables et solides puisque garanties par le contribuable.
Exemple de marché pour l'édification et l'exploitation d'établissements pénitentiaires: le dernier contrat remporté en mars 2008 par Bouygues est celui qui va le plus loin dans les missions confiées à l'opérateur privé. Outre le financement de la construction, il devra, pendant les 27 ans de la concession, assurer la maintenance et le nettoyage des locaux mais aussi les services aux personnes, blanchisserie, restauration, soins et transport des détenus, ainsi que l'accueil des familles et même la gestion du travail des prisonniers et leur formation professionnelle, moyennant un loyer annuel de 48 millions d'euros. ( L'Etat confie la réalisation de ses investissements au privé in Le Monde Téléchargement le_monde250608ppp.pdf)
Pour le PPP Théâtre de l’Archipel, le contribuable perpignanais s’engage pour 32 ans minimum à payer un loyer, lequel loyer n’est ni plus ni moins que le remboursement du capital et des intérêts, outre les bénéfices de tous les intervenants.
Le montant du loyer annuel s’élève aujourd’hui à 2 539 000 € (soit 2 539 000 x 32 ans), pour un investissement de 32 millions d’€ HT!
Un bail de 32 ans, plus solide qu’une constitution!
A plusieurs égards, un bail en PPP est plus contraignant qu’un contrat d’hypothèque : il est en effet plus difficile de se défaire des obligations d’un PPP qui court sur 32 ans que de vendre un immeuble! Et c’est justement cette rigidité du contrat, coûteux de résilier ou de modifier, qui réduit la marge de manœuvre des élus dont il serait utile de disposer en cas de circonstances imprévues.
Rappelons-nous qu’il a fallu attendre l’année 2000 pour que la municipalité de Grenoble puisse se défaire d’un contrat passé pour la privatisation de la gestion de l’eau en 1989 et reconnu frauduleux par la justice en 1996 !
Octroyer un contrat au privé, c’est octroyer un contrat au privé en général et non à une entreprise en particulier. Même si le contrat initial est scellé avec une entreprise locale, rien n’empêche, peu de temps après, son rachat par un autre groupe.
Le PPP devient un véritable placement financier dont sont friands les investisseurs, et notamment les fonds de pension dont la rentabilité provient à court terme, de salaires moins élevés, d’une précarisation de l’emploi, des avantages sociaux moindres et d’une qualité inférieure de service.
à suivre … mardi , l’acte II.
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