Nicolas Sarkozy a annoncé lors de son dernier entretien télévisé la suppression de la taxe professionnelle. Qu’en penser ?
Romain GRAU
avocat fiscaliste
Une réforme plus que souhaitable
Nos impôts locaux n’ont jamais brillé par leur intelligence. Pour ne donner qu’un exemple historique, l’impôt sur les portes et fenêtres qui augmentait avec le nombre de portes et fenêtres par immeuble a été créé par le Directoire en 1798. Après quelques années de fonctionnement dudit impôt, tout le monde s’accordait à dire qu’il s’agissait d’un impôt à supprimer, « un impôt sur l’air et la lumière » comme le disait le Président Caillaux. Pourtant cet impôt local ne sera supprimé qu’en 1926 !!
La taxe professionnelle qualifiée par François Mitterrand « d’impôt imbécile et insensé» a été créée en 1975 en remplacement de l’ancienne patente. Elle constitue aujourd’hui la ressource fiscale la plus importante des collectivités territoriales. Pour être précis sur l’ensemble du territoire national, le produit de la TP représente 45% des recettes des communes, groupements de communes, conseils généraux et conseils régionaux.
Cette taxe porte sur les entreprises. Elle est à la fois inefficace économiquement et injuste socialement.
L’inefficacité économique n’est guère difficile à démontrer. Les bases de la taxe professionnelle sont constituées des immobilisations inscrites au bilan d’une entreprise (les immeubles et les machines essentiellement). Aussi, plus une entreprise détient ou utilise des immobilisations, plus elle est imposée à la taxe professionnelle. Il s’agit là d’un biais considérable en défaveur des entreprises industrielles les plus dynamiques qui investissent parce qu’elles croient en l’avenir. Il s’agit donc là d’un biais en défaveur des entreprises créatrices d’emplois et de richesses. Les experts du Ministère des Finances estiment que la taxe professionnelle renchérit de 30% sur dix ans le coût de toute nouvelle acquisition de machine ou d’immeuble. Cette taxe porte en outre indistinctement ou quasi (atténuation de ce grief par le mécanisme du plafonnement de la TP en fonction de la valeur ajoutée) sur les entreprises qui font des bénéfices et celles qui font des déficits entraînant souvent ces dernières dans une spirale dangereuse pour leur survie. Il est donc capital pour les entreprises que le fardeau de la taxe professionnelle soit supprimé.
Le caractère inéquitable de la TP n’est pas non plus très difficile à établir. Dans son rapport sur les finances locales publié récemment la Direction générale des collectivités territoriales du Ministère de l’Intérieur indiquait que 5% des collectivités territoriales soit plus de 1800 communes concentraient près de 80% des bases de la taxe professionnelle. Les habitants des communes fiscalement les moins favorisées (dont Perpignan), ne pâtissent pas seulement de la faiblesse des prestations qui leur sont servies localement. Un malheur n’arrivant jamais seul, ils subissent aussi une pression fiscale plus élevée qu’ailleurs. C’est parce qu’un grand nombre d’entreprises sont installées sur le territoire des communes du département des Hauts-de-Seine que ces dernières peuvent financer leurs dépenses tout en maintenant un faible taux. Dans ces conditions, les Perpignanais sont doublement victimes : les entreprises étant peu nombreuses sur le territoire de notre commune, le taux n’est pas suffisamment faible, entraînant par là une perte d’attractivité du territoire de notre ville pour les entreprises.
Ce dispositif a été réformé à la marge à coup de réformes technocratiques sans vision d’ensemble aboutissant à un dispositif d’une complexité terrifiante mais ne traitant pas les vrais problèmes. En 2000, Dominique Strauss Kahn supprimait la part salariale de la TP, reconnue comme très pénalisante pour l’emploi.
Une fois ce constat fait, doit-on pour autant se féliciter des paroles présidentielles ?
Nous ne le pensons pas. Il n’est malheureusement pas le premier à s’y être engagé. Si une rupture était attendue sur ce terrain c’était précisément celle consistant à engager une réforme des finances locales dès l’accession à l’Elysée. Mais cette réforme si elle avait été effectivement prise au sérieux par ce pouvoir jacobin aurait été engagée dès son arrivée en 2007 et non par deux ans plus tard sous la pression de la crise. Ce qui est à craindre aujourd’hui c’est la précipitation d’une réforme bâclée qui atteindra pourtant lourdement l’équilibre financier des collectivités locales.
Comme nous l’avons écrit, les collectivités locales tirent une grande partie de leur financement de la taxe professionnelle. Supprimer cette ressource alors même que les collectivités se sont vues déléguer un certain nombre de compétences supplémentaires ne pourrait conduire qu’à fragiliser davantage encore les finances locales. En la matière la précipitation est tout aussi néfaste que l’inaction. La répartition des tâches au sein de l’UMP entre les deux présidents depuis 2002 est à ce titre tout à fait significative. A Jacques Chirac, l’inactivité, à Nicolas Sarkozy, la précipitation. Cela prêterait presque à sourire si, in fine, nous n’étions pas les seuls à payer l’addition.
Les termes de l’équation sont clairs : nos entreprises ont besoin de la suppression de la taxe professionnelle pour pouvoir créer de la richesse et des emplois mais nos collectivités ont besoin que leurs ressources soient préservées afin de faire face à des besoins collectifs croissant avec la crise.
Une réforme de la fiscalité locale ne s’annonce pas dans la précipitation d’un show télévisé. Il est irresponsable d’engager l’avenir des territoires et celui du pouvoir d’achat des Français sans vision plus précise qu’une hypothétique taxe carbone en compensation des recettes supprimées.
Merci et félicitations pour cette analyse.
Nous aurions bien besoin de personnes comme Monsieur Grau pour redresser ici une situation économique tellement préoccupante pour les entrepreneurs et la population en général.On comprend bien les incidences très graves qu'ont les décisions prises dans la précipitation, et souvent l'obstination, sur la prospérité d'une ville et de chacun.
Il semble que beaucoup de perpignanais savent pouvoir compter sur vous, Monsieur Codognes, pour réunir une équipe compétente, dynamique, courageuse et pragmatique et vous rejoignent chaque jour dans votre projet.
Rédigé par : liliane | 16 février 2009 à 14:07
Que penser de l'idée d'augmenter la TVA, (comme le préconise Jean Paul Alduy, et d'autres) pour compenser la disparition de la TP pour les collectivités ?
Rédigé par : Saintlos Philippe | 16 février 2009 à 10:28