Perpignan et le département n’ont pas attendu la crise financière de l’automne 2008 pour traverser de grandes difficultés économiques et sociales. Chacun sait désormais que la ville magnifiée dans la propagande municipale n’est pas celle dans laquelle nous vivons. Depuis des décennies, loin de la splendeur historique connue jadis, Perpignan est une ville pauvre et déliquescente.
Cette situation a paradoxalement servi les pouvoirs en place, en favorisant l’érection de systèmes de contrôle du territoire politique : clientélisme, clanisme, et autopromotion.
La crise et l’insécurité favorisent l’acceptation et parfois même la recherche de la dépendance protectrice. Dans un système clientéliste, la sécurité des obligés prime sur la justice, et la connivence supplante l’égalité. Le leader politique ne s’adresse pas au citoyen, mais à l’individu, en fonction de son appartenance sociale, de son positionnement géographique, de son implication dans la vie associative, de son origine ethnique ou encore de sa religion. Cette segmentation de la population assure un contrôle plus aisé de l’électorat. Si l’habileté politique amène certains à dénommer cette conception de la relation au citoyen l’ « archipel », il est indéniable qu’au-delà des principes louables énoncés (respect des différences, cohabitation harmonieuse des communautés), se dissimule un clin d’œil insidieux à chaque électeur, envisagé en sa qualité de membre d’un groupe susceptible de retirer les bienfaits d’un vote conforme aux attentes. Il ne faut pas en douter, derrière le paternalisme pseudo affectif et les notions marketing que sont « l’écoute de ses concitoyens », ou « l’élu de terrain » se terre une fallacieuse proximité, simple outil d’une gestion relationnelle de l’électorat. Il va sans dire pourtant que, pour contribuer à la conservation d’un fief électoral, ce long et méticuleux travail d’entretien de réseaux, saupoudré d’un maillage notabiliaire, est contraire aux plus élémentaires principes démocratiques. L’obligé finit par abandonner tout esprit critique, et toute velléité de contestation du pouvoir de décision du puissant, dans l’unique attente d’une grâce de ce dernier. Le clientélisme finit même par altérer les règles censées permettre l’alternance ou garantir une égalité de chance d’accès au pouvoir décisionnaire. « La clientèle est l’un des instruments qui permettent de transmuer la volonté populaire en gouvernement minoritaire, tout en maintenant l’apparence du contraire » (Pierre TAFANI).
Dans la Rome agonisante, lorsque le pain et les jeux ne suffisaient plus à calmer la colère du peuple, le pouvoir usait des prébendes, cycliques distributions de vivres, qui n’eurent en définitive pour seul effet que de retarder l’inéluctable décadence, et finirent par prendre fin lorsque les caisses du trésor furent vides. Il faut vivre avec son temps : Le prébendisme moderne consiste, au mépris des intérêts des générations futures, à s’endetter (puisque les caisses sont déjà vides) pour construire un théâtre ou une fontaine.
Lorsque la communication supplante l’action des politiques, c’est que le dévouement aux citoyens se mue en un dévouement à sa propre cause… et c’est ainsi que fleurissent des bornes de signalisation routière qui nous inondent de joie, lorsque nous découvrons que nous circulons sur une route départementale.
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